samedi 30 janvier 2010

Mr Nobody

Note : 3/4

Un Ovni est un film comme on n’en voit pas ou peu que ce soit dans sa forme, ou dans son propos. Il peut être compris ou incompris, aimé ou détesté mais ne laissera personne indifférent.
C’est un film qui peut être novateur, surprenant, dérangeant, déconcertant, irrévérencieux et politiquement incorrect.
Bref c’est un film qui transgresse les codes qu’ils soient narratifs, visuels, émotionnels pour proposer un autre regard au spectateur.

Les grandes évolutions qu’a connu le cinéma viennent souvent de réalisateurs novateurs qui ont lancé des pavés dans la marre pour troubler le spectateur et pour entrainer le cinéma plus loin qu’il ne l’était.

Des films comme les premiers Godard étaient des ovnis puisqu’ils tranchaient totalement avec l’académisme en vigueur dans le cinéma Français de l’époque.

Citizen Kain était un ovni puisque son mode narratif était inédit pour l’époque. C’est en effet le premier film marquant à utiliser le flash back et la voix off.

Que dire de l’œuvre de David Lynch ou de Jodorowski dont on ne sait pas ou peu ce qui relève du fantasme ou de la réalité.

Le propos irrévérencieux au-delà du politiquement incorrect de certains films en font des ovnis : C’est arrivé près de chez vous, Attention les enfants regardent.

Léone en réinventant les codes du western était un concepteur d’ovnis comme on n’en avait pas vu avant. Son style visuel et narratif était nouveau et archi dérangeant pour beaucoup.

Kubrick par son éclectisme et la diversité de ces choix et le traitement narratif ou visuel de ces films est un auteur d’ovnis qui riment avec chef d’œuvres.

Mr Nobody est un Ovni. Il mêle beaucoup de composante d’UFOlogie à la fois et nous emmène aussi dans une forme d’inconnu.

Jako Van Dormael, réalisateur belge, auteur de deux films assez marquants et primés un peu partout (Le huitième jour et Toto le héros) fait son retour avec Mr Nobody après 10 ans de silence.

Lorsqu’on demande au plus vieil homme du monde dans un futur assez lointain quel est le moment marquant de son existence, celui-ci se souvient d’avoir eu un choix cornélien à faire. A neuf ans il a du choisir entre partir vivre avec son père ou sa mère.
Les différentes réponses à ce choix allaient lui proposer des conséquences et des itinéraires de vie différents.
Ce sont ces différents itinéraires que Jako Van Dormael nous raconte en ne sachant plus quel est celui qu’a réellement emprunté son personnage principal ou ceux qu’il a fantasmé.

Mr Nobody devra néanmoins s’en approprier un pour donner un sens à sa vie et mourir en paix.

Si le thème du choix et de ses conséquences a souvent été évoqué au cinéma - on pense assez facilement à Smoking / No Smoking d’Alain Resnais - l’angle prit par Van Doermal est totalement inédit.

Jako Van Dormael a mis sept ans pour écrire son film.
On comprend aisément pourquoi son scénario est si dense.

Plutôt que de traiter tous les itinéraires de Mr Nobody d’un point de vue linéaire et parallèle, le réalisateur fait le choix de les imbriquer les uns dans les autres afin que le spectateur ne sache pas quel est le vrai et qu’il s’identifie à la confusion du personnage principal qui ne sait plus quel est son véritable passé.

A travers ces itinéraires, Jako Van Dormael consacre des très grandes parties du film à une foison de sentiments qui font la nature humaine : actes manqués, la nostalgie, l’amour, la volonté, la dépression, l’arrivisme, la frustration, l’honnêteté, le rêve…

Tous cela propose un scénario très complexe dans lequel on perd un peu son latin par moment tant cela part dans tous les sens. C’est d’ailleurs la grosse faiblesse du film.

En revanche Mr Nobody est totalement extraordinaire à d’autres niveaux.
D’un point de vue visuel, le film comprend plus de créativité que dans 99% des films sortis en 2009 réunis.
Les décors, prise de vues sont délirants.
Même si l’on retrouve certaine influences comme le cinéma de Jeunet, le Kubrick de 2001, le Lucas de THX 1138, et de nombreuses références au cinéma français, c’est un style totalement propre que nous propose Van Doarmel. Un style qui atteint une virtuosité incroyable par moment.

Cet aspect visuel est renforcé par un montage complètement maitrisé qui promène le spectateur sur une période de 125 ans dans des pays différent, des vies différentes en entretenant ce sentiment de confusion global que le spectateur doit ressentir pour se sentir proche du personnage principal.

Jared Leto est époustouflant dans les facettes multiples de son personnage qui n’en est pas un mais plusieurs à la fois.
Les 3 actrices principales sont toutes assez fascinantes dans leur style avec une mention spéciale pour une Diane Krugger en brune dont l’éclat transfigure l’écran.

Mr Nobody est un film de réalisateur. Tout amateur d’images et de réalisation y trouvera son compte et risquera d’étudier ce film pendant de nombreuses années tant il fourmille d’idées novatrices et de scènes jamais vues.
En revanche sa complexité lui fera perdre pas mal de spectateurs. Il n’y a pas de twist off, de linéarité. Son montage et son fil narratif déconcertant sont trop indigeste pour le grand public.

Cela n’empêche pas le film d’être une véritable prouesse et moment de cinéma comme on en voit peu.

Jako Van Doermal est un auteur à part entière. Son film est un film d’auteur avec tout ce que cela comporte mais un très beau et bon film d’auteur.
On est à des années lumières du box office et des projections tests pour ado mais peut être pas si loin que cela de l’éternité.

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