jeudi 12 novembre 2009

Il était une fois la révolution

Note : 3/4

Octobre 2009, la programmation cinématographique est en passe d’atteindre le degré zéro.
On se laisserait presque tenter par le dernier Franck Dubosq, c’est dire si ce que les exploitants de salle nous proposent est d’une nullité abyssale.
Tel un oasis au milieu du désert, le Max Linder nous propose sur écran géant la copie neuve en version originale de Il était une fois la révolution de l’immense Sergio Léone.

Voir un Sergio Léone sur grand écran est une occasion malheureusement aussi rare qu’un concert d’Ennio Morricone. C’est dire si cela ne se rate pas.

En toute objectivité Sergio Léone est à mes yeux un génie absolu. Il est l’un des réalisateurs les plus imaginatifs, fascinants que la terre ait jamais porté.
Il a clairement révolutionné le cinéma par son approche visuelle, son utilisation du flash back, son culte de l’anti héros, le tempo hyper lent de sa narration, l’absence d’information sur ces personnages et par son utilisation magnifiée de la musique.

On ne peut bien entendu pas parler de Léone sans parler du Maestro Ennio Morricone.
Camarades d’écoles, les deux hommes ont réinventé le rôle de la musique dans le cinéma moderne. En revenant à la source ils ont placé la musique comme un personnage à part entière du film. Dans l’œuvre de Léone, la musique de Morricone raconte tout ce qui ne se dit pas à travers les dialogues (et Dieu sait qu’il ne se dit pas grand-chose).
Grâce au génie du Maestro, certaines scènes prennent une dimension fantastique tant la musique traduit, enlumine et magnifie toute la palette des émotions que l’on peut trouver dans les images de Leone.
Une telle osmose entre les images et la musique n’a probablement jamais été retrouvée même dans les films de Stanley Kubrick et de Quentin Tarantino.


Sergio Leone a clairement réinventé le western en lui apportant une dimension onirique inégalée sans rien trahir de son identité et de sa sensibilité européenne et de sa culture italienne.
En six ou sept films, il a laissé une empreinte indélébile sur des millions de fans de cinéma.
Grace à lui Clint Eastwood et Ennio Morricone sont devenus les géants que l’on connait.
La notoriété de certains acteurs comme James Coburn, Lee van Cleef, Charles Bronson, Gian Maria Volonte, Rod Steiger ou Eli Wallach n’existe presque uniquement grâce au traitement que leur a réservé Sergio Leone dans ses films.
En révolutionnant tous les codes du western, il a pu donner à Henri Fonda son dernier et peut être plus grand rôle dans un contre emploi absolu et signer des westerns complètement définitifs.
Après lui, peu de gens se sont essayé au western, l’héritage était trop lourd.
Les quelques rares bons western sortis dans les trente à quarante ans qui ont suivis ne rivalisent en rien avec ceux du maître.
Vénéré à juste titre par les plus grands réalisateurs actuels (de Tarantino à Scorcese en passant par Spielberg, Eastwood ou Coppola), Sergio Léone est avant tout un auteur totalement singulier.
Loin de tout formatage, de toute querelle de chapelle, il a imposé sa vision et son style à travers une représentation plus que personnelle de la construction du continent américain des débuts de l’ouest sauvage (Pour une poignée de dollars) jusqu’au dernier tiers du 20ème siècle (Il était une fois en Amérique).

Le cinéma de Léone est un cinéma d’homme. Les femmes y sont presque absentes à l’exception de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l’Ouest. Cependant celles-ci sont souvent une clé dans le comportement des personnages (La sœur du Colonel Mortimer, l’Irlandaise d’Il était une fois la révolution…).

Les personnages de Léone ne sont guidés que par deux motivations : L’or et la vengeance
C’est à travers ces deux quêtes et le vice et l’opportunisme qu’elles engendrent qu’ils prennent part malgré eux à la construction de l’Amérique
Malgré ce regard cruel et violent, les personnages restent cependant des hommes parfois capables d’une humanité insoupçonnée (la scène du cavalier mourant dans Le bon la brute et le truand) dans les situations les plus inattendues.

Le grand écran est indispensable au cinéma de Léone. Les paysages, les gros plans, les lumières, l’étalonnage le technicolor et, il faut le souligner, le grain de la pellicule donne une chaleur et une personnalité photographique que n’aura jamais un film filmé en numérique.

C’est tout cela qui rend le cinéma de Sergio Léone magique et indispensable.

Il était une fois la révolution est probablement le moins bon des Léone !!!
Mais sur grand écran c’est quand même une grande claque.
Mexique, 1913, Juan un pilleur de banques péones rencontre au beau milieu de la sierra Sean, un expert en dynamite Irlandais.
Malgré un antagonisme absolu ils s’associent avec des ambitions diverses dans le pillage d’une banque.
Ce braquage de banque sera le point de départ de leur enrôlement malgré eux dans la révolution mexicaine et dans une véritable odyssée.
Cet odyssée commence comme un récit picaresque, qui par bien des aspects n’est pas sans rappeler les aventures de Don Quichotte. Mais il se mue par la suite sur une vraie réflexion sur la violence inhérente à la construction d’un pays et aux mécanismes du pouvoir.

Cela donne à Léone l’occasion de travailler ses thèmes de prédilections : La vengeance, l’appât de l’or, l’opportunisme et le fait que l’histoire avec un grand H est souvent le résultat d’une sommes de petites histoires bien moins reluisantes.

La photographie est splendide. Elle atteint son sommet lorsque Léone oppose lors de flashback éblouissants le vert de l’Irlande à la poussière de la Sierra.
Les gros plans et le tempo narratif rappelle à tout le monde que c’est bien un film de Sergio Leone et de personne d’autre.

Ennio Morricone signe l’une de ses plus belles partitions, on peut en avoir les larmes aux yeux.

James Coburn et Rod Steiger livrent les meilleures performances de leur carrière à travers des personnages typiquement léonien.

Le bruit des balles et des explosions est inimitables, les scènes de batailles sont exceptionnelles.

Malgré tout cela, le film souffre de quelques faiblesses. C’est le seul film de Léone ou la longueur de certaines scènes dépasse parfois la limite de l’ennui.
De plus certaines ellipses scénaristiques compliquent la compréhension du film à des moments clés.
Les scènes clés du film sont peut être moins percutantes que les scènes clés des autres Léones
Tout cela fait qu’Il était une fois la révolution souffre de la comparaison avec les autres films de Léone.

Il était une fois la révolution forme avec Mon nom est personne la catégorie des Léones désavoués.
Peut être cela est-il du au fait que Léone ne voulait initialement pas réaliser ces films ?
Il a cependant signé celui-ci alors qu’il ne l’a pas fait avec Mon nom est personne.
Mais si un Léone désavoué n’est pas un chef d’œuvre, il reste cependant un grand film de cinéma.

Quel pied de voir çà sur grand écran !!!!!
Le 3 sur 4 est un très gros trois mais mon niveau d’exigence s’accentue lorsqu’il s’agit d’un Léone…

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